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Un après midi ensoleillé de début d'été sur le Bougès.

Au détour d'un hêtre tortueux mort sur pied, un joyau discret éclate à la lumière. Quelque pas respectueux dans sa direction, une approche lente et mesurée, et puis, le face à face: une rencontre avec la couleur. Couleur parmi les plus profondes et les plus inspirantes que puisse nous offrir la nature, un bleu d'infini, peut être même d'indéfini à la fois... la dame Rosalie est en train de pondre !

 

Avec son ovipositeur, cette trompe située à l'extrémité de l'abdomen, elle prend la mesure de son support : c'est un arbre majestueux, qui a rendu son dernier souffle après quelques centenaires d'un règne de sagesse, l'un de ces si rares sujets qui ont reçu la grâce de l'humanité au point d'en traverser les âges. Elle réalise cet exercice avec une lenteur mêlée de délicatesse, par tâtonnements, explorant avec son organe la complexité du tronc séché qui regorge d'aspérités.

L'enjeu est de taille. Sa descendance devra vivre près de trois années au sein même de cet arbre mort, qui n'a pourtant pas fini de donner la vie. Elle grandira, se nourrissant de bois, de cette énergie accumulée durant des centenaires, désormais au service du renouveau.

Puis, dame Rosalie trouve enfin son idéal, c'est un minuscule trou de sortie d'une larve de l'un de ses nombreux cousins coléoptères, large de deux millimètres environ. Son ovipositeur s'allonge encore et s'enfonce dans les profondeurs du hêtre patriarche, puis il est épris de contractions régulières durant de nombreuses minutes... dame Rosalie y dépose la vie.

 

Ponte d'une Rosalie des Alpes

 

 

Cette observation laisse à penser.

La Rosalie, protégée jusqu'au niveau de l'Europe, est rare. Mais est-ce la norme?  L'émotion suscitée par sa rencontre n'est elle pas artificielle ? Cette rencontre ne devrait-elle pas faire partie d'une sorte de normalité superbe ?

En effet, par sa beauté, la Rosalie se fait l'émissaire auprès de notre société humaine de l'innombrable et souvent plus discrète quantité de vie qui dépend de la sénescence des arbres, et pose cette question centrale : celle du droit à la mort pour les arbres.
Et pas n'importe quelle mort. Cette "belle mort" pluricentenaire dont émergera la vie, et non pas ces si nombreuses morts adolescentes qui le transformeront en fumée,  ou en une petite éternité par le biais de la transformation en planches.

A notre société de trouver la réponse, une réponse faite d'équilibres.

Texte et vidéo : Benoît Deffrennes, Garde-moniteur sur le massif du mont-Lozère

 

La Rosalie des Alpes, l'un des plus beaux coléoptères de France

 

Rosalie des Alpes
La Rosalie des Alpes est largement associée à la hêtraie © Gaël Karczewski - Parc national des Cévennes

 

La Rosalie des Alpes compte parmi les plus beaux coléoptères de France et bénéficie d’une protection nationale. Elle appartient à la famille des Cerambycidés, aussi appelés « longicornes », en raison de leurs antennes souvent impressionnantes.

Ce bel insecte, d’une longueur de 2 à 4 cm est très largement associé à la hêtraie mais peut se rencontrer occasionnellement sur d’autres essences : Frêne, Aulne, Érable et plus rarement sur le Chêne.

Elle est à rechercher sur de vieux arbres  encore vivants mais dépérissants ou sur des tas de bois (grosses branches ou troncs), plutôt dans des secteurs bien ensoleillés. Dans le Parc, les adultes sont contactés durant les mois de juillet et août (et plus rarement jusqu’à début septembre) sur les mêmes aires de répartition que celles du Hêtre (principalement au dessus de 800m).

aire repartition Rosalie
Relevé des observations réalisées dans le parc depuis 1978. - Source : Biodiv'Cévennes

 

Malheureusement pour la conservation de cette espèce, la Rosalie vient très souvent pondre sur les tas de grumes entreposées en bord de piste au soleil, le bois fraîchement coupé étant un fort attractif. Ces pontes sont vouées à l’échec, étant exportées avec le bois évacué vers des scieries ou autres revendeurs de bois de chauffage.

 

Pour aller plus loin :


Source URL: https://www3.cevennes-parcnational.fr/actualites/une-observation-trop-rare-en-ce-debut-dete-la-ponte-dune-rosalie